Le Secret Professionnel est-il soluble dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel ?
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Voici l’(in)attendu de principe de la Décision n° 2015-478 du 24 juillet 2015 DU Conseil constitutionnel :
« SUR LE GRIEF TIRÉ DE L’INCOMPÉTENCE NÉGATIVE RÉSULTANT DE L’ABSENCE DE GARANTIES DE NATURE À PROTÉGER LE SECRET PROFESSIONNEL DES AVOCATS ET DES JOURNALISTES :
16. Considérant qu’il incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et des infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, l’exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis ; qu’au nombre de ces derniers figurent le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances, la liberté d’expression, les droits de la défense et le droit à un procès équitable, protégés par les articles 2, 4, 11 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; qu’en revanche, aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats et un droit au secret des sources des journalistes ; »
De cela doit-on comprendre qu’il puisse y avoir un procès équitable sans secret professionnel ?
Pour le Conseil constitutionnel il semblerait.
D’aucuns se réconfortent en pensant que Cour européenne des droits de l’homme ou quelques cours suprêmes plus démocratiques : Arrêt « Maranda Cour suprême du Canada 2013-11-14 ref : 2003CSC 67 ; ou plus récemment et spécifiquement la décision de la Cour royale de Justice de Londres du 17 juillet 2015, seront des pare feux efficace ; sinon le Pacte sur les droits civils et politique de l’ONU (art. 17).
Malheureusement il convient de modérer cet optimisme de la défense de nos droits.
Par une décision du 16 avril 2015 la Cour de Justice de l’Union Européenne a en effet refusé de garantir que les empreintes digitales rassemblées sur le fondement du règlement n° 2252/2004 (relatif aux passeports biométriques) de l’Union Européenne ne seront pas utilisées à des fins autres que la délivrance du passeport ou autre document de voyage biométrique.
En d’autres termes la bio surveillance est en Europe licite.
Et fort peu encadré puisque la Cour ne place les données biométriques ni sous l’empire de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, ni sous celui de la directive 1995/46/CE protégeant les données personnelles, cf. l’article remarquable de Monsieur Jean-Philippe Foegle à La Revue des droits de l’Homme juillet 2015 : https://revdh.revues.org/1394.
Un élément de plus de ce constat affligeant qu’en France, sinon en Europ, nous ne sommes plus tout à fait en démocratie.
Quoiqu’il en soit, désormais en France le secret professionnel des avocats est une exigence individuelle ; ce n’est plus, ni un principe essentiel, ni un droit méritant l’intérêt du Conseil Constitutionnel.
A nous de transformer nos exemples individuels en nouvelle règle, de faire du lobbying, pour qu’au-delà des partis les élus de la République modifie la Constitution ; pour que le secret professionnel soit un principe constitutionnel explicite après longtemps l’avoir été implicitement.
Le Bâtonnier de Paris désigné nous a rappelé que ce projet est raisonnable, la Loi fondamentale de la République d’Allemagne organise le secret des correspondance en son article 10, voir les Echos du 18 juin 2015 « Avocats, protégeons les libertés de nos clients au son du silence » par Frédéric Sicard.
Ces parlementaires sont parfois les premiers bénéficiaires du secret professionnel, ils seront sans doute sensibles à notre cause.
Dies proelio ! (Jour de combat).
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