Le Secret Professionnel est-il soluble dans l’argent ?
Publication consultée 9169 fois

Jusqu’alors notre Barreau illustrait trois conceptions du Secret professionnel :
-
La première celle d’un secret de même nature que celui de la Confession, un secret « sacré » :
« Notre société européenne avait hérité de ses racines chrétiennes et plus précisément de ses racines catholiques une conception du secret quasi religieuse à travers la confession : le pénitent pouvait tout dire au prêtre qui allait lui donner l’absolution en étant assuré de n’être trahi auprès de quiconque. ». http://www.charriere-bournazel.com/nature-et-perimetre-du-secret-professionnel
-
La deuxième, de raison inscrite dans le RIN :
« Article 2 : le secret professionnel 2.1 Principes L’avocat est le confident nécessaire du client. Le secret professionnel de l’avocat est d’ordre public. Il est général, absolu et illimité dans le temps. Sous réserve des strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction et des cas de déclaration ou de révélation prévues ou autorisées par la loi, l’avocat ne commet, en toute matière, aucune divulgation contrevenant au secret professionnel. 2.2 Etendue du secret professionnel Le secret professionnel couvre en toute matière, dans le domaine du conseil ou celui de la défense, et quels qu’en soient les supports, matériels ou immatériels (papier, télécopie, voie électronique …) ».
Conforme aux sages et prudents enseignements du Bâtonnier Ader [1]
-
La troisième médiatique, fonction des atteintes judiciaires, étatiques, journalistiques du moment, donnant par exemple lieu à
« Plainte de l'Ordre contre X pour violation du secret de l'instruction, violation du secret professionnel et recel de ces deux infractions À la majorité des votants, le Conseil a décidé le dépôt d'une plainte contre X pour faire suite aux articles publiés dans le quotidien Le Monde et sur le blog de Médiapart (…) »[2]
La décision du Barreau de Paris en date du 23 septembre 2014 invente un nouveau Secret professionnel en modifiant de l’annexe IX du règlement intérieur du barreau de Paris en son article 4.2.
« Le bâtonnier peut se faire communiquer ou remettre par l’avocat tout document en rapport avec les maniements de fonds sans qu’il puisse lui être opposé le secret professionnel. Le défaut de réponse aux demandes d’explications et de justifications du bâtonnier ou de son délégué constitue un manquement déontologique. »[3].
Or il n’y a pas de Secret professionnel « partagé », serait-ce avec le Bâtonnier, seulement une foi du Palais de plus en plus méconnue.
Et que devrons nous préférer du Règlement Intérieur National : RIN ou du Règlement Intérieur du Barreau de Paris RIBP ?
Le RIN précise à l’article 2.2 :
« Le secret professionnel couvre en toute matière, dans le domaine du conseil ou celui de la défense, et quels qu’en soient les supports, matériels ou immatériels (papier, télécopie, voie électronique) (…) les règlements pécuniaires et tous maniements de fonds effectués en application de l’article 27 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971 ; les informations demandées par les commissaires aux comptes ou tous tiers, (informations qui ne peuvent être communiquées par l’avocat qu’à son client).
Ou le RIBP nouvelle manière ?
A suivre le RIBP adviendrait subrepticement un Secret professionnel qui cèderait devant l’argent.
Confrontés à cette idolâtrie Horace vient en mémoire : « l’argent est un bon serviteur et un mauvais maître ».
Qu’il nous faille révéler à la CARPA l’identité de nos clients, l’objet de mouvement de fonds, soit.[4]
Qu’il nous faille donner copie d’un dossier, des actes complets ! ?
Ce serait aller plus loin même que les exigences des lois antiblanchiement (« LAB ») qui ne peuvent ici au « motif » de leur technicité servir de prétexte.
Ce serait, c’est, ouvrir une boîte de Pandore.
Dans le passé à deux reprises les services de la CARPA m’ont demandé la transmission de copie des actes sous-jacents aux mouvements de fonds, à deux reprises j'ai refusé.
Le Bâtonnier Christian Charrière Bournazel nous apporte un élément de réponse :
« Je me suis battu jusqu’à prôner la désobéissance civile, à mes seuls risques et périls, pour que l’avocat ne soit pas tenu de dénoncer directement à Tracfin l’éventuel soupçon qu’il pourrait avoir sur une opération éventuelle de blanchiment. (…) , désormais toute déclaration de soupçon d’un avocat à son Ordre pourra être appréhendée par la puissance publique ». http://cnb.avocat.fr/Secret-professionnel-de-l-avocat--Editorial-du-President-Charriere-Bournazel-lundi-9-juillet-2012_a1296.html
Puisse la voix de cette conscience du Barreau faire échos.
[1] Henri Ader/André Damien : Règles de la profession d’avocat, Dalloz
[2] http://www.lebulletin.fr/phocadownload/bulletins_pdf/bulletins_normaux/bulletin-14_2014.pdf
[3] Contrairement à d’autres votes la liste des pour et contre n’a pas été publiée.
[4] Encore que cet état de fait est déjà une singulière concession aux excès de la transparence, cf. Soulez Larivière : La transparence et la vertu, Albin Michel 2014.
Commentaires
Soyez le premier à commenter cette publication